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Le vin français, dernière victime de la contrefaçon chinoise

Le vin français, dernière victime de la contrefaçon chinoise

Source : www.france24.com

 

Après les sacs à main, les parfums, les ordinateurs portables... la dernière victime de la contrefaçon chinoise est le vin français. Le procédé est facile, la supercherie quasi indétectable de la part des consommateurs novices. Enquête.        

 

Rois incontestés de la contrefaçon, les Chinois ont ajouté un nouveau savoir-faire à leur expertise déjà bien répandue : la copie du vin français. Incapables de différencier une bouteille originale d’une fausse, de nombreux consommateurs, confiants, n’en sauront rien jusqu’à la première gorgée. Et encore, même à ce stade seuls les fins connaisseurs détecteront la supercherie.

"Une bouteille de vin est très facile à copier," explique à France24.com Sheng Wen*, un distributeur de Shangaï. Les contrefacteurs cherchent les bouteilles originales dans les poubelles des restaurants. Dès qu’ils en trouvent une, ils reproduisent l’étiquette et la bouteille qu’ils remplissent de vin bon marché et les revendent par la suite."
 
Le vin est un nouveau plaisir en Chine, qu’il s’agisse d’un grand cru ou de piquette. Amateurs du Baidu, l’alcool corsé qui a arrosé les dîners chinois pendant des siècles, les Chinois n’ont que très récemment jeté leur dévolu sur le vin, la boisson des Occidentaux.
 
Mais grâce à une vaste opération de promotion et une surprenante campagne du gouvernement vantant les mérites du vin pour la santé, une bonne bouteille est devenue un incontournable des dîners mondains. Pour les nouveaux riches, il est le symbole des élites et de la fin des privations imposées par des dizaines d’années de rigueur communiste. "Le vin est perçu comme la boisson des riches," confirme Sheng, "et donc tout le monde veut être vu en train d’en boire."
 
Un penchant pour le Bordeaux a placé le couple Chine-Hong Kong en tête du marché mondial d’importation du cépage du sud-ouest de la France. Soit quelque 3,5 milliards de bouteilles qui se sont retrouvées entre les griffes expertes des loups de la contrefaçon.
 
Un marché lucratif
 
Le Château Lafite Rothschild 1982, un Bordeaux devenu plus célèbre en Chine que sur ses terres d’origines, est l’une des premières victimes de l’industrie de la contrefaçon. Citée comme "la référence" en matière de Bordeaux par Zhongguo Wine, un blog sur le marché chinois du vin lancé par deux expatriés français, le grand cru a augmenté de 574 % entre 2001 et 2010 après que les ventes en Chine ont explosé.
 
Aujourd’hui, une bouteille de Château Lafite Rothschild 1982 peut atteindre les 5400 euros. Soit un profit d’environ 5 000 euros pour un faussaire doué – et ils sont nombreux en Chine. Lucas Botebol, l’un des blogueurs de Zhongguo, estime que près de 70 % des Château Lafite Rothschild vendus dans le pays sont des faux, une évaluation au pro rata des chiffres de l’import par rapport au nombre de bouteilles vendues. "Il y a plus de Château Lafite 1982 en Chine que de bouteilles produites en France !", a affirmé Romain Vandevoorde, à la tête de l’entreprise d'importation et de distribution de vin français, Le Baron.
 
Pour un négociant en vins européen qui commerce avec Hong Kong, ces chiffres ne sont pas surprenants. "Je ne pense pas que les Chinois aient la moindre idée de ce qu’ils boivent", a-t-il confié à France24.com sous couvert d’anonymat. "Ils ne peuvent pas savoir que ce qu’ils boivent n’est pas un Château Lafite dans la mesure où ils ne connaissent pas le goût qu’il est censé avoir." Sheng Wen, le distributeur de Shanghaï, ne le contredit pas. "De nombreux Chinois seraient incapables de faire la différence entre un grand cru et une piquette de supermarché," admet-il.
 
"En Chine, on boit une étiquette"
 
Le marchand de vin Yang Yi, qui détient une boutique dans la ville prospère de Suzhou, à l’est de la Chine, compatit avec des clients déçus. "Ces gens n’ont aucune idée de ce qu’ils boivent". Mais Yang Yi décrit ses propres clients comme des "connaisseurs".
Le négociant européen n’en est pas si sûr. "Les Chinois n’aiment pas vraiment le vin. Ils en boivent parce que c’est à la mode", poursuit-il. "Ce qui se vend en Chine se sont des marques, pas des saveurs ; ils boivent des étiquettes."
 
Déjà submergée par la recherche de faux ordinateurs portables, de cartouches de cigarettes ou de designers de sacs à main, la police de la contrefaçon va-t-elle se lancer à la poursuite des contrefacteurs de vin ?
"Cela ne va pas être facile pour la police", estime Yang. "Le seul moyen de savoir si un vin est faux est de savoir ce qu’il y a dans la bouteille. Comment peut-on s’attendre à ce que les policiers connaissent le goût du vin français ?"
 
La seule solution pour les clients est de se fier à la réputation d’un bon vendeur qui surveille étroitement l’origine de ses stocks, selon Yang. Est-il surpris qu’il y ait une telle quantité de vin de contrefaçon sur le marché ? La question le fait rire. "Les Chinois imitent tout. Alors pourquoi des ordinateurs et pas du vin ?"



11/02/2012
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