La Chine et le Développement Durable
LEMONDE.FR 30.06.2010
La croissance exponentielle de la Chine ces dernières décennies a fait d'elle un pays se rangeant parmi les premières puissances économiques mondiales, et, à ce titre, le premier émetteur mondial de dioxyde de souffre (SO2) – avec une hausse prévue des émissions d'ici 2015 –, les trois quart de ses ressources en eau jugées impropres à la consommation, 30 % de ses villes non équipées de stations d'épuration, et une production d'un peu plus de 1 700 Mt (mégatonnes) de déchets industriels par an. Ces constats sont pris très au sérieux par le ministère de la protection de l'environnement.
Pourtant, l'implication précoce de la Chine dans les questions de protection de l'environnement, la signature de nombreuses conventions internationales, dont le protocole de Kyoto en 1998 visant la réduction des gaz à effet de serre, la pléthore de normes législatives et réglementaires et leur étonnante modernité, auraient pu laisser supposer des comportements plus actifs pour combattre ces problèmes écologiques. A cet égard, l'OCDE, dans son rapport de 2007, recommandait des efforts conséquents pour une "croissance économique durable" en insistant sur l'application sur tout le territoire de lois et réglementations concernant les installations énergétiques et industrielles, en raison de leur mise en œuvre locale très défaillante. A l'heure actuelle, la dégradation globale des écosystèmes chinois entraîne de très nombreux décès chaque année et représente un coût considérable. Conscient de l'ampleur des dégâts, le gouvernement a pour objectif de passer à un mode de développement plus durable, devant permettre à la Chine de consommer et polluer moins. Le lancement des récentes politiques met en exergue la nécessité de traiter la pollution mais surtout de la prévenir. Pour y parvenir, les autorités ont nettement durci leur politique et réalisé des investissements importants dans des ouvrages d'aménagement anti-pollution tels que la construction de nombreuses réserves ou encore la transformation des champs en forêts, en pâturages et en lacs.
UNE STRATÉGIE DE DÉVELOPPEMENT DURABLE
Le rôle fondamental de l'Etat en matière de protection de l'environnement a été reconnu au sein de la Constitution dès 1978, puis le gouvernement chinois a publié un projet de loi sur la protection de l'environnement dès 1979, entré en vigueur en 1989. Depuis, le gouvernement central a publié pléthore de lois, règlements, règles locales, et normes touchant à la protection environnementale, notamment des textes sur la pollution de l'air et des eaux, les déchets solides, les études d'impact sur l'environnement, la production propre ainsi que les énergies nouvelles. La politique environnementale a été récemment intégrée au plan de développement de l'économie. Dans le onzième plan quinquennal (2006-2011), elle est présentée comme une "norme contraignante" et est considérée comme contribuant à la modernisation du pays dans son ensemble et à son développement à long terme.
La priorité est donnée à la prévention et au traitement global afin de résoudre efficacement les problèmes environnementaux qui portent atteinte à la santé. Ainsi la publication de la loi sur l'évaluation de l'influence environnementale et de la loi sur l'accélération de la production propre, entrées en vigueur en 2003, montre la volonté de contrôler le processus dans son entier et de s'attaquer aux causes de la pollution au lieu d'en traiter les seuls méfaits. Pour cela, les obligations pesant sur les industriels et notamment sur les investisseurs étrangers, en matière environnementale, sont de plus en plus strictes.
Les investissements étrangers dont les technologies contribuent à la protection de l'environnement sont encouragés, et les projets à haute consommation d'énergie ou très polluants sont restreints voire prohibés De plus, une loi de 2002 officialise le fait que chaque projet industriel nécessite une étude d'impact. L'obligation légale de la mise en place de mesures de protection environnementale aux stades de la conception, la construction et l'opération ("les trois simultanéités") impose désormais que les mesures de protection et de contrôle de l'environnement soient approuvées par les autorités compétentes dès la phase de conception du projet, puis que les équipements indispensables soient effectivement installés et mis en fonction. Dans le prolongement de ce principe, une politique de "crédit vert" empêche l'entreprise ne répondant pas aux normes environnementales d'obtenir un prêt. De même, des incitations fiscales sont accordées aux entreprises installant des équipements destinés à lutter contre la pollution.
Par ailleurs, les autorités mènent une politique de fermeture d'entreprises polluantes dont la rentabilité est réduite, et cessent d'autoriser les constructions de projets ne répondant pas aux critères de l'économie "circulaire". Cette économie est fondée sur la "production propre", qui préconise le remplacement des équipements de production obsolètes, et sur le recyclage des déchets de production ou leur transfert à d'autres entreprises ayant la capacité de les traiter.
RESPONSABILITÉ ET SANCTIONS
Les sanctions légales sont civiles, pénales et administratives. Les peines encourues sont le plus souvent la correction du comportement illicite avec parfois la cessation de l'activité, la révocation de l'autorisation d'exploitation ou la fermeture de l'installation ainsi que l'infliction de lourdes amendes.
La sanction économique des infractions était auparavant très modeste, alors que les dépenses pour les équipements destinés à la protection de l'environnement sont très élevées. En résultait une situation paradoxale où le coût de l'infraction était inférieur à celui du respect des obligations légales.
Désormais, grâce à des mesures incitatives ou dissuasives plus efficaces, la Chine peut espérer des résultats concrets. En effet, en plus des mesures visant à prévenir la pollution industrielle, une liste noire des entreprises polluantes est dressée par l'administration. Ces entreprises chinoises ou étrangères font l'objet d'une surveillance accrue par les autorités locales qui procèdent à des inspections régulières. Par ailleurs, des actions concrètes telles que la sanction des personnels corrompus sensibilisent nettement plus efficacement les bureaux locaux.
Enfin, la loi sur les délits, entrée en vigueur en 2010, traite de la responsabilité des auteurs de pollution industrielle et fait peser sur le pollueur la charge de la preuve. Cette responsabilité accentue la responsabilité du pollueur car il devra démontrer qu'il n'existe aucune corrélation entre ses actions et le dommage pour écarter sa responsabilité. Ainsi il sera présumé responsable à moins qu'il en apporte la preuve contraire. Cette même loi précise que si la pollution est causée par un tiers, les victimes sont libres de demander des dommages et intérêts au pollueur ou bien au tiers. Si la responsabilité du pollueur est activée, celui-ci dispose d'une action récursoire contre le tiers à l'origine du dommage.
Longtemps frappée par la dichotomie entre le caractère de complétude et la sophistication du système normatif chinois et sa faible application, la protection de l'environnement est désormais au cœur des préoccupations des autorités qui ont ces dernières années réalisé des progrès tangibles en renforçant leur politique d'action.
Néanmoins il sera sans conteste nécessaire que le gouvernement continue à renforcer l'exécution des lois et la mise en place de sanctions dissuasives en cas de fraude et enfin qu'il contrôle sérieusement le fonctionnement des installations. En effet, il n'est pas rare que les entreprises soient aux normes mais, compte tenu du coût de la mise en marche de ces installations, certaines s'abstiennent de les faire fonctionner réduisant à néant les programmes favorisant le développement durable.
Chen Xiaoyun, DS Avocats, bureau de Pékin et Claude Le Gaonach Bret, DS Avocats, droit des affaires en Asie
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