Cette crise traduit le désespoir des tibétains, Le Figaro, 18/03/08
«Cette crise traduit
le désespoir des Tibétains»
18/03/2008 | Mise à jour : 18:43
Pour François Godement, le directeur de l'Asia Centre à Sciences Po, les causes des troubles sont multiples.
LE FIGARO. Quels sont les ressorts profonds des violences qui viennent de se produire au Tibet ?
François GODEMENT. Les causes de la crise sont de deux ordres. D'abord le désespoir et la perte d'identité des jeunes Tibétains face à la pression de l'immigration chinoise. C'est un conflit communautaire classique. Ensuite, on assiste à la protestation des moines. C'est à cet égard un mouvement politico-religieux.
Cette crise traduit plus le désespoir que l'espoir. Elle ne porte pas vers l'indépendance de la «région autonome» mais pointe une aliénation sociale des Tibétains et l'absence de résolution des questions religieuses.
Quant au déclenchement des violences, il a coïncidé avec la réunion annuelle de l'Assemblée chinoise.
Comment jugez-vous la réaction des autorités chinoises ?
Elles marquent de l'hésitation, comme lors du «Printemps » de 1989. On a d'abord constaté une sorte de laisser-faire, et aussi une censure grossière et peu efficace. On retrouve aussi une incroyable absence de dosage dans l'utilisation des moyens répressifs, entre une quasi-absence de réactions et le déploiement des tanks dans les rues de Lhassa face à des armes blanches.
Les réactions internationales, plutôt mesurées, pourraient-elles se durcir ?
Tout dépendra de l'attitude de la Chine. De toute façon, je n'imagine pas que la crise s'arrête là. On a tendance, à mon avis, à sous-estimer la capacité de protestation. En se privant de tout interlocuteur (le dalaï-lama est récusé), Pékin nourrit la crise. Il y a de quoi être inquiet.
Un boycott des JO n'est guère à l'ordre du jour. Face à la Chine, la realpolitik va-t-elle l'emporter sur la question du Tibet ?
Il ne faut pas poser la question en ces termes. Faire perdre la face à Pékin sur la question cruciale pour lui du Tibet ne l'amènerait pas à changer de politique. Un boycott des JO serait peut-être satisfaisant pour l'esprit mais resterait une position assez abstraite. Cela dit, entre le boycott des JO et un plein appui, il y a une marge de manœuvres. Si la crise se poursuivait, les chefs d'État occidentaux pourraient, par exemple, refuser de se rendre à Pékin pour assister à l'ouverture des JO.
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